Depuis que j'ai lu cette partie du traitement de Magdelena, je fais plus attention à mon aura et à mon ombre. Comme si elles étaient des parties de moi tangibles, que je peux toucher et que les autres peuvent toucher. Comme si j'étais vêtue d'un manteau de lumière et d'ombre et que je me dois de le soigner tout autant que mon corps...
"Magdelena, utilisant ses mains à la manière de peignes, les passa et repassa autour de moi. Bien qu'à aucun moment elle ne m'eût touché, je sentis que mon esprit s'ordonnait peu à peu, que de vieilles rancoeurs se dissolvaient, que des espoirs frustrés se volatilisaient; l'état constant d'attente angoissée, comme si mon être n'était pas là mais m'attendait dans le futur, se calma et, telle une méduse flottant tranquillement dans l'océan, mon esprit s'abandonna au présent, c'est-à-dire au monde tel qu'il était et non comme je pensais qu'il était.
- Maintenant que ton aura est bien peignée, je vais devoir laver ton ombre.
Elle ouvrit l'unique fenêtre. La lumière de l'après-midi entra à flots. Elle me plaça le dos vers l'extérieur afin que mon ombre se projette dans le rectangle brillant qui s'étendait sur le sol.
- Mon fils, ne bouge sous aucun prétexte. Voici ta compage, celle qui, sans que tu daignes l'entendre te dit ce que tu es vraiment: un cadran solaire. À chaque instant ton corps proclame l'heure qu'il est. Et cela est important parce que chaque heure a une âme, une énergie différente, qui exige que tu la manies de manière spéciale. Si tu forces tes heures en commettant des actions au moment qui ne convient pas, tu vis mal, tu tombes malade. Ne prêtant pas attention à leur ombre, la plupart des gens la portent comme si c'était un animal sale. Cela empoisonne leurs pas...
Magdelena, à genoux, avec de l'eau parfumée à la lavande, savonna mon ombre, la brossa vigoureusement, essuya la mousse avec une éponge, la sécha et ensuite, satisfaite, m'empêchant encore de bouger, me la montra comme si elle exhibait une oeuvre d'art.
- La voilà toute propre. Regarde comme elle est belle. Maintenant qu'il y a encore du soleil, rentre chez toi et sens-la... Je suis sûre que tu te rendras compte du changement...
Tandis que je marchais le soleil dans le dos, je voyais mon ombre comme une agréable compagne. Mieux encore, comme une alliée respectable... J'avais plaisir à observer la manière dont cette tache noire, oiseau immatériel, passait sur les objets, les gens, les murs, laissant une invisible trace qui rendait la pureté et la joie à la matière citadine torturée. Je me rendais compte que les passants n'étaient pas conscients de l'ombre qui les accompagnait. Elles, n'étant pas vues, n'étant pas prises en compte, avaient l'air de guenilles noires, lourdes, sales et tristes, qui freinaient les pas, ajoutant de l'impureté aux objets sur lesquels elles passaient."
(Mu, le maître et les magiciennes, pages 163-164-165)
J'aime tellement ça Coroline. Je suis presque émue . Cette connaissance nouvelle m'enchante. Voudras-tu le faire pour moi, un jour?
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