Célébration de Pablo Neruda

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Nous y sommes.  Cet aujourd'hui est arrivé. Nous avançons

    sur le tapis

du millénaire avec ses interrogations. Le coeur, l'amande

de l'époque croissante, le raisin définitif

en nous vont peu à peu se déposer,

alors naîtra la vérité tant attendue.

Entre-temps une feuille du feuillage

accroît les prémices de l'âge:

branche à branche on verra monter les jours

et fruit à fruit viendra la paix:

l'arbre du bonheur se prépare

depuis cette racine acharnée qui survit

en cherchant l'eau, la vérité, la vie.

Aujourd'hui est là. Ce demain est arrivé

élaboré par une dense obscurité:

qui pourrait dire si ce monde

à peine inauguré, est déjà clair?

Nous l'aurerons, nous le nuiterons

jusqu'à ce qu'il soit doré et brûlé

comme les grains durs du maïs:

et cela pour tous, pour les nouveaux-nés,

pour les survivants et pour les aveugles,

pour les manchots, les muets et les boiteux,

afin qu'ils voient, afin qu'ils parlent,

afin qu'ils marchent, qu'ils survivent,

en cueillant le fruit futur de l'actuel

royaume laissé par nous grand ouvert

à l'explorateur autant qu'à la reine, 

au cosmonaute disquisiteur

autant qu'au paysan traditionnel,

au vol d'abeilles qui surgit

pour participer à la ruche,

et surtout aux peuples récents,

aux peuples qui grandissent désormais

avec leurs nouveaux drapeux que tissèrent

chaque goutte de sang, chaque goutte de sueur.

Aujourd'hui est là.  Hier

s'en est allé, n'en doutons point.
(La rose détachée et autres poèmes, page 94)