"Je suis triste à jamais mais cela ne me rend pas malheureuse. J'honore sa mémoire par ma tristesse et j'honore sa vie par ma vie de travail et de création." (Toni Morrisson, à propos de la mort de son fils au terme d'une longue maladie, citation partagée sur mon blog le 14 mai 2011)
L'attitude de Toni Morrisson face à la mort m'inspire. Il y a en elle une prise en charge consciente et responsable d'une émotion inévitable, profondément transformatrice et créatrice de vie. La tristesse en soi n'est ni négative ni souffrante. Elle peut même être apaisante. Comme toute émotion, elle nous met en communion avec notre vulnérabilité, elle ouvre notre coeur et fait de nous un meilleur humain. Ce qui la rend difficile à vivre parfois, c'est le rejet, le désir de s'en débarrasser le plus vite possible. Aussi, le désir de répondre aux impératifs de l'entourage. "Comment? Tu n'en as pas fini avec ce deuil ou avec la peine de ton divorce." "Vite, ça presse, on ne veut plus t'entendre radoter sur la perte de ton mari, de ton fils, de ta mère. Passe à autre chose." De tels "conseils" prodigués pourtant avec tant de bonne volonté ne mènent nulle part. Il y a un rythme à respecter, des émotions, diverses et toutes aussi importantes l'une que l'autre, à vivre le temps qu'il le faut dans chaque expérience offerte par la vie. Ce temps n'est pas le même pour chacun. Le coeur est un alambic qui distille les émotions avec lenteur et un grand souci de les transformer sans rien perdre de leur fécondité. Chacune contient sa propre richesse à recueillir. Sinon, une partie du vivant en soi est gaspillée.
Un autre conseil maladroit souvent entendu : "Lâche prise maintenant. " C'est une expression trompeuse. Se garder en mouvement et sans attachement face à une épreuve est plus constructif et nous garde à jour sans nous mettre sous silence. J'aime l'affirmation de Toni Morrisson, elle est triste et a le courage de ne pas souffrir dans sa tristesse. Elle rit, elle pleure, elle travaille, elle écrit puisque c'est son métier, elle pense à son fils chaque jour ... elle ne porte pas une charge douloureuse, elle embrasse l'absence de son fils.
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